Le Peuple de l’Herbe
Entre cabotages hip-hop et navigations punky-noisy-pop-rock, 10, le bien nommé dixième opus du cosmopolite Peuple de l’Herbe s’avère aussi prodigieux que déroutant. Comme si le voyage ne faisait que commencer…
Après plus de 20 ans de navigation et des vents tantôt porteurs tantôt contraires, renfiler le bleu de chauffe et se mettre au taf pour reprendre le large avec brio, c’est souvent l’apanage des plus téméraires.
Ceux qui restent, mais surtout, ceux qu’on respecte.
Sans ne rien renier, pour ce Ten, 10e opus donc, les quelques mutations ressenties ces dernières années (instruments additionnels, line-up), ont clairement changé la destination du cap des débuts. Une sorte de retour aux sources, antérieur à la genèse même du groupe, pour un résultat aussi limpide qu’il peut s’avérer déroutant. Ça fleure bon le vécu urbain et on ne saurait s’en plaindre.
C’est bien simple, si Ten était un premier album, on crierait au génie. Mais comme c’est le dixième, on se contentera d’un : Magistral ! C’est aussi ça la marque des bons.
Ten, disponible depuis le 22 mars 2024.
Vidéos
Biographie
Si le Dub fantoche des années 2000 a eu vite fait de me gonfler à l’époque, quelques espiègles doués avaient quand même su capter mon attention, sur des rythmes electro-roots du plus bel effet.
Et Le Peuple de l’Herbe figurait en bonne place parmi ces stupéfiants.
D’ailleurs pas tant pour ces riddims candides -un peu réducteur à mon goût- mais plutôt pour cet esprit hip-hop ambiant qui fleurait déjà bon la rébellion citadine comme on la rêvait …
Depuis, un peu plus de 20 ans de folie ont métamorphosé le monde. Et du line-up fondateur il ne reste quasi personne. Mais quelle importance finalement ?
Le collectif lyonnais a traversé le temps, voilà ce qui compte.
La preuve avec ce 9e album studio judicieusement baptisé « After Dusk », où Le Peuple restitue avec maitrise, brio et insolence le climat total-anxiogène de notre étrange époque, officiellement moderne, mais complètement flippante.
L’heure est grave et il faut qu’il le crache.
Dans la plupart des titres de ce fascinant opus, de «Propaganda», «Common Man» ou «Bullride» (mon coup de cœur), aux plus désinvoltes «Fit To Spit» et «Mad Messiah», l’urgence est partout, à portée de voix et de fusils, de riffs et de SupraBass. Le message est clair et le groove limpide…
Rythmiques au couteau de Spagg et Psychostick, samples et synthés subtils, les guitares épaisses de Varou Jan, souvent inquiétantes, sublimées des chants et textes de JC 001 et Odatee, deux phénomènes au sommet et en totale symbiose, les 11 titres frôlent carrément le coup de maître.
Rien à jeter dans la galette ! Bien sûr, tout ça est habilement enrobé d’une atmosphère sonore singulièrement Old School (Chris/Supadope Productions), pour un ensemble franchement haletant, plutôt angoissant, mais terriblement jouissif.
Bref, du hip-hop pur jus nourrit des meilleures influences de chacun, -a forte consonance rap comme peu savent aussi bien l’enlever par chez nous- voilà une paye que je n’en avais pas entendu. Le Peuple est libre, et putain que ça fait du bien !
Peter Pop