Brigitte Fontaine
Brigitte Fontaine, est de retour pour un album de haute volée poétique et mélodique, entre transe krautrock, rock garage et chaabi, produit par The Limiñanas. Pick Up a été enregistré en grande partie à Perpignan, dans le studio des Limiñanas.
Les compositions du fidèle Areski Belkacem se sont parées de l’énergie saturée de guitares fuzz, d’amplis à lampes et d’orgues déchaînés. Riche en images sensuelles, Pick Up s’impose comme une déclaration d’amour au simple fait d’être vivant. Si Brigitte y évoque ses aspirations mystiques et ses souffrances physiques, elle parvient à leur donner une dimension universelle. Plus qu’une plainte, elle lance un appel à se raccrocher aux attaches qui nous aident à supporter notre condition mortelle.
La révolte de Brigitte Fontaine s’exprime également dans plusieurs titres de Pick Up comme « Neuf trois » ou « Crevards, miteux, pauvres errants », véritable profession de foi intemporelle.
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Biographie
Électron libre de la chanson française, libérée, délibérément en marge des circuits balisés de la réussite, Brigitte Fontaine s’impose depuis quarante ans comme une icône musicale décapante. Ailleurs, très loin, quelque part entre l’amour furieux de la vie et le mépris ostensible des codes, elle s’est tricoté son chemin de musique depuis les premiers albums audacieux Brigitte Fontaine… est folle (1968) et Comme à la radio (1969). Portée par une attention constante aux mots, un sens aigu de la trouvaille et des rencontres, elle a su s’adapter aux époques. Et bien souvent, les devancer comme en attestent L’incendie (1974) ou Le nougat (1988). Depuis son retour au premier plan avec Genre humain en 1995 et le succès de Kékéland en 2001, la Bretonne déjantée n’a de cesse de faire reculer les limites de son univers au fil de disques drôles et grinçants : Prohibition en 2009, L’un n’empêche pas l’autre en 2011 et J’ai l’honneur d’Être en 2013 s’avèrent aussi alertes qu’impertinents.
Brigitte Fontaine est née à Morlaix le 26 juin 1939. L’enfance bretonne s’écoule calmement entre ses parents instituteurs, vigoureusement laïques et athés dans une région où la normalité se situe plutôt du côté de la messe dominicale. La jeune Brigitte Fontaine prend des notes pour l’avenir et rêve au jour béni où elle pourra quitter sa Bretagne. Un peu sauvage, déjà marginale, elle passe des heures enfermée dans sa chambre à lire avec passion. De la poésie, des romans et du théâtre, beaucoup. À 12 ans, elle intègre la troupe de théâtre amateur de Morlaix. Il lui faudra attendre ses vingt printemps, en 60, pour se lancer réellement dans cet univers de saltimbanques qui la tarabuste. Cela ne peut avoir lieu qu’à Paris, elle va à Paris, donc.
Des cours d’art dramatique lui permettent de se mettre plus sérieusement au travail. Mais un amoureux, jaloux de voir jouer sa belle avec des partenaires trop séduisants, la presse de renoncer au théâtre. Va pour l’Amour ! La musique est un bon compromis, qui calme l’amoureux et répond au besoin impérieux de s’exprimer sur scène. Brigitte Fontaine s’aventure alors dans les cabarets de la Rive Gauche, point central du renouveau artistique parisien. C’est finalement aux Trois Baudets, le célèbre cabaret montmartrois, qu’elle fait ses débuts et retient l’attention de Jacques Canetti – propriétaire du lieu et grand découvreur de talents.
Sa silhouette d’oiseau naufragé, ses élans et son style, déjà très repérable, marquent les esprits. Elle s’intègre avec agilité au petit cercle parisien, reprend des chansons de Boris Vian, assure des premières parties à Bobino. En 1963, elle participe également aux prestigieux « Mardis de la Chanson », concerts hebdomadaires organisés au Théâtre de la Huchette par Gilbert Sommier. Le lieu, parrainé par Brassens, verra passer la fine fleur de la chanson française durant des années (Bobby Lapointe, Anne Sylvestre, Barbara et Mouloudji, entre autres).
Forte de sa notoriété grandissante, Brigitte Fontaine monte en 1964 une pièce intitulée ‘Maman, j’ai peur’, qui se joue à la Vieille Grille. Rufus accompagne le projet comme co-auteur, de même que Jacques Higelin, dont la rencontre marque un tournant dans la carrière artistique de Brigitte Fontaine. La pièce, qui joue sur le principe de l’improvisation et s’apparente déjà au « happening », connaît le succès et se déplace au Théâtre des Champs Élysées, avant de partir en tournée durant un an. Encouragés par cette réussite, Brigitte Fontaine et Jacques Higelin décident de poursuivre leur collaboration. Grâce à Jacques Canetti, ils sortent successivement deux albums en 1965 : Douze chansons avant le déluge, puis Quinze chansons d’avant le déluge, qui revisitent – de manière très personnelle – le répertoire de Boris Vian.
En 1968, Brigitte sort son premier album en solo : Brigitte Fontaine… est folle, réalisé en collaboration avec le musicien Jean-Claude Vannier. L’univers de la chanteuse se peaufine et s’affirme, à la fois dérangeant, sophistiqué et fantaisiste. Cette période est aussi celle de la rencontre avec Areski Belkacem, musicien algérien né en France et ami proche de Jacques Higelin. Cette rencontre, essentielle dans la vie privée de Brigitte Fontaine – le couple ne se quittera plus – , est en outre déterminante sur le plan musical. Au contact d’Areski, Brigitte découvre des sonorités venues d’ailleurs et s’inspire des musiques arabes pour composer des titres, précurseurs de la « world music ». Avec Higelin, un trio artistique se forme, qui profitera du théâtre – très expérimental – pour s’exprimer en scène. En 1968 encore, ils créent Niok, une pièce très largement improvisée qui tient durant des mois à l’affiche du Petit Théâtre du Lucernaire.
La sortie du deuxième album solo en 1969, Comme à la radio, renforce le succès, réel quoique relativement confidentiel, de Brigitte Fontaine. Réalisé avec l’Art Ensemble de Chicago, figure éminente du free jazz américain, l’album bouleverse par sa force musicale et ses paroles, terriblement efficaces. Sobre dénonciation sociale, cri du coeur porté par l’élégance des rythmes jazz, ce disque marque l’entrée de Brigitte Fontaine dans une nouvelle époque, et ce, d’autant plus qu’il est produit par le nouveau label indépendant de Pierre Barouh, Saravah. L’Académie Charles Cros vient couronner ce succès d’estime par l’attribution de son prix.
Engagée à sa manière, dans ses textes, Brigitte Fontaine l’est aussi dans la vie. Le 5 avril 1971, le Manifeste des 343 salopes est publié dans le Nouvel Observateur et recueille les signatures de 343 femmes ayant eu recours à l’avortement, alors que cette pratique est encore illégale en France. Fontaine s’affiche et affirme son soutien. Tout au long de sa vie, elle aura à coeur de s’investir dans les luttes sociales et politiques, qu’il s’agisse de la prévention contre le SIDA ou la défense des sans-papiers. Mais en politique comme en musique, hors de question de s’arrimer à un quelconque mouvement. La liberté, avant tout.
En 1972, la chanteuse offre un nouvel album à son public : Un beau matin. Les spectacles du trio Fontaine – Belkacem – Higelin se poursuivent mais le désir de carrière solo de Jacques Higelin tend à perturber l’équilibre. Un concert au Théâtre du Ranelagh marque un tournant décisif dans l’évolution de la chanteuse. Fâchée, lassée, écoeurée de l’ambiance ressentie sur scène et dans la salle, Brigitte Fontaine joue le grand jeu et s’offre un départ fracassant : armée d’une valise, elle traverse le théâtre avant de le quitter, à l’arrière d’une moto. Épisode tonitruant, dont la profession et le public auront du mal à se remettre.
Malgré cette rupture désirée avec le – relativement – grand public, Brigitte Fontaine poursuit ses recherches artistiques avec son compagnon, Areski Belkacem. Période de repli sur l’intime, cependant très intense en créations. En 1973, le couple sort Je ne connais pas cet homme, puis L’incendie en 1974, et Le bonheur, l’année suivante. Artiste jusqu’au bout des griffes et de la plume, Brigitte Fontaine propose cette même année un roman, intitulé ‘Chroniques du bonheur’.
Si la présence de la chanteuse se fait plus discrète en France, les disques sont en revanche dans les bacs étrangers, en particulier au Japon où la savante excentricité de Brigitte Fontaine séduit le public. L’année 1977 voit sortir en France un double – album de 29 titres, Vous et Nous, toujours produit en collaboration avec Areski. Puis le couple renoue en 1978 avec le Lucernaire, en montant un spectacle à mi-chemin entre le théâtre et la chanson. Le rythme effréné des albums se poursuit en 1978, avec Les églantines ne sont peut-être pas formidables, accompagné d’un nouveau roman, intitulé ‘Madelon’. Mais le travail proposé par Brigitte Fontaine, bien que très riche, ne suffit pas à entretenir l’attention du public français. Il faudra batailler et le séduire, à nouveau.
Les années 1980 s’ouvrent avec une adaptation pour la scène de l’un de ses textes, l' »Inconciliabule », rebaptisé « Acte 2 ». En 1985, le couple crée un nouveau spectacle au Théâtre de Paris : ‘Made in France’. On les voit lors de festivals, Brigitte accompagne son ami Higelin à l’occasion d’expériences jazz, et sort un troisième roman : ‘Paso Doble’. Néanmoins, la confiance du public n’est plus acquise : le projet d’album French Corazon ne parvient pas à trouver de producteur. L’épisode du Ranelagh n’est, semble-t-il, toujours pas digéré. On redoute l’instabilité bohème de Fontaine. La solution viendra de loin, en la personne de Reïko Kidachi, productrice et journaliste japonaise travaillant à RFI. Venue interviewer la chanteuse à Paris, la journaliste apprend l’existence de cet album ignoré de tous et décide de le soutenir. Une tournée au Japon est organisée, l’album peut enfin être distribué. En France, French Corazon sort finalement sous le label EMI. Afin de relancer la carrière de la chanteuse, Comme à la radio, se fait une nouvelle jeunesse en réapparaissant au Japon.
À Paris, il faut attendre le 25 octobre 1988 pour retrouver Brigitte Fontaine en concert, sur scène. Cela se passe au Café de la Danse, sans grande aide de la part de la presse. Ne délaissant jamais son oeuvre littéraire, Fontaine propose cette même année un texte au titre significatif : ‘Nouvelles de l’exil’. De son travail musical, l’époque ne retiendra que Le Nougat, remarqué grâce à son clip vidéo. La participation au Printemps de Bourges en avril 1989 est une promesse de renouveau, mais la reprise du succès est encore en marche. En 1990, Brigitte Fontaine s’inscrit au catalogue du label EMI. Elle participe en 1992 à la création du groupe théâtral Un Drame Musical Instantané, l’opération Blow-Up.
La chanteuse semble peu à peu retrouver ses marques, dans le paysage artistique français. Sa réconciliation avec le public s’effectue, véritablement, le 14 avril 1993 au Bataclan. Mise en scène par Jacques Higelin, accompagnée par son mari Areski, mais aussi par ses amis Moustaki et Arthur H – faisant office d’accordéonistes – elle donne le meilleur d’elle-même. L’année suivante, le 5 mars, Brigitte Fontaine remplit le Casino de Paris. Toujours ignorée des médias.
Sa réapparition réelle, dans la presse, a lieu suite à la sortie en juin 1995 de son nouvel album : Genre Humain, édité par Virgin. Étienne Daho, admirateur depuis toujours, est le producteur de ce disque pour lequel il co-écrit le titre « Conne » et participe à la réalisation de quatre chansons. Pour le reste, c’est toujours le couple Fontaine-Belkacem qui mène la danse et la composition. Cet album marque le retour en grâce de la chanteuse, désormais couverte de louanges pour sa précieuse originalité. Brigitte Fontaine, nouveau look – cheveux rasés, allure de veuve sicilienne branchée – s’amuse de son succès et s’en réjouit. L’année 1996 voit se succéder les concerts. C’est aussi l’année du second prix décerné par l’Académie Charles Cros.
En octobre 1997, un nouvel album réalisé avec la collaboration de Bashung, Les Palaces, est reçu de manière plus discrète. Mais peu importe : Brigitte Fontaine est de retour dans les esprits, son talent n’est plus à démontrer. En mars 1999, Virgin décide de rééditer (sans les chansons « French corazon » et « D’ailleurs ») l’album French Corazon, rebaptisé Le Nougat. En 1999 toujours, Virgin sort une compilation : Morceaux de Choix.
Puis en 2001, Brigitte Fontaine annonce dans les médias la sortie de son nouvel album : Kékéland. Un titre en totale harmonie avec l’image de l’artiste : extravagant, drôle et, somme toute, assez mystérieux… Pour ce disque, la chanteuse s’est entourée du groupe new-yorkais Sonic Youth, mais aussi de -M- et Noir Désir. Le succès critique et public ne se fait pas attendre pour ce richissime travail. Pour couronner sa carrière, l’Académie Charles Cros lui décerne un prix « In honorem » en novembre 2001.
Son dernier album en date, Rue Saint-Louis-en-l’Ile sort chez Virgin en septembre 2004. Hommage au coin de Paris qu’elle habite et affectionne depuis des années. Cette fois encore, des artistes se joignent à la fête : Gotan Project, -M-, ainsi que Mouss et Hakim du groupe Zebda.
L’album Prohibition, sorti à l’automne 2009, prouve que Brigitte Fontaine est l’une des personnalités les plus fortes de la scène française. Son ton cru et désabusé traverse un disque qui invite Katerine et Grace Jones. Sonnant comme un manifeste, le suivant L’un n’empêche pas l’autre sorti en mai 2011, fait également le buzz grâce au titre « Gilles de la Tourette » et des invités de poids (Arno, Alain Souchon, Christophe, Bertrand Cantat). En 2013, après un rôle dans ‘Le Grand Soir’ de Gustave Kervern, la plus déjantée des Bretonnes n’en finit pas de vieillir en beauté avec J’ai l’honneur d’être, bel exemple d’impertinence toujours mis en musique par Areski Belkacem.